Fischli & Weiss ont réalisé dans les années 1980 la célèbre série Der Lauf der Dinge, réaction en chaîne de lois physiques (gravité, vases communicants, combustion, etc) appliquée à des objets quelconques. Filmé dans un hangar, ce fascinant mouvement de déplacement d’énergie, apparemment sans fin, oscille entre le ludique bricolé et l’alchimie sans but : le pur cours des choses, et leur infinie métamorphose.
Simon Steen Andersen s’en est inspiré dans Run Time Error en se concentrant sur la dimension sonore de la chaîne. Ce ne sont pas tant les réactions physiques des objets qui comptent — elles ne sont d’ailleurs pas exclusives, et des musiciens font partie de la chaîne — que leurs enchaînements sonores. Depuis les pas du compositeur, qui deviennent claquements sur une échelle, depuis le cliquetis d’une lampe jusqu’au rebond d’une balle, la métamorphose est sonore, gestuelle, acoustique, et l’alchimie ici n’est plus la transmutation d’une matière lourde, mais déjà distillée dans l’air. Pour ce récit naturel de sons où le geste humain est réduit au minimum, le spectateur ne peut être que filtré par une projection, grâce à une caméra virtuose qui suit pas à pas les épisodes. Musique naturelle dont nous ne pouvons être que les témoins a posteriori.