Quatuor Tana
commande Musica
création mondialecommande Collectif Tana
création mondialeFin de la manifestation à 19h40
Grâce à son engagement auprès des compositeurs désireux d’explorer avec eux les contrées acoustiques encore vierges, le Quatuor Tana est devenu une référence en matière de création musicale. On ne saurait pourtant réduire cette formation à son expertise des modes de jeu les plus sophistiqués, car les quatre musiciens, qui gardent un pied dans le répertoire classique, font de la musique leur priorité, indépendamment des langages par lesquels elle se manifeste.
Le quatuor à cordes, parangon de la musique « pure » ? Plusieurs compositeurs, dont Berg n’est pas le moindre, ont eu l’occasion d’écorner cette image. Données en création mondiale, deux des trois œuvres de ce programme sont inspirées par une citation littéraire. Pour Le livre des songes, cinquième quatuor de François Meïmoun, Edgar Allan Poe donne le ton : « Tout ce que nous voyons ou paraissons, n’est-il qu’un rêve dans un rêve ? » C’est ici l’idée de l’état de conscience propre au rêve, un entre-deux où s’estompe la frontière entre le réel et l’illusion, qui a motivé le choix de formes historiques pour les deuxième et troisième mouvements. Un thème et variations puis une fugue font resurgir souvenirs enfouis dans la mémoire. À la fois persistants et versatiles, les motifs qui circulent d’un mouvement à l’autre suggèrent le délire, état extrême du rêve.
Yves Chauris revient pour son troisième quatuor Other voices à Faulkner : « Et il lui sembla [...] qu’il entendait une myriade de sons également légers – voix, murmures, chuchotements : d’arbres, de ténèbres, de terre ; de gens ; sa propre voix ; d’autres voix évocatrices de noms, de temps et de lieux – dont il avait eu conscience toute sa vie, sans le savoir, qui étaient sa vie même. » (Light in August, traduction de Maurice-Edgar Coindreau). Les « autres voix » qui peuplent la pièce sont celles de Hildegard von Bingen, de Gesualdo ou de Mozart, mais tout au plus les entendra-t-on comme de furtives allusions ou d’indistinctes effluves harmoniques, car le compositeur les a intégrées à un niveau profond de l’écriture. L’emprunt est aussi pour lui une façon de se recentrer sur la dimension mélodique de sa musique. Passant d’une corde à l’autre, les lignes sont le fil d’Ariane d’un échange constant entre les instruments, transmettant une note, une ligne, une direction ou une énergie.
L’influence de Bartók est frappante dans le Quatuor à cordes n°1 Métamorphoses nocturnes de György Ligeti. Pourtant, on y détecte aussi les germes des processus qui seront développés quelques années plus tard. Esquisses de la « micropolyphonie », les effets de grouillement nous renvoient à la dimension narrative sous-jacente chez Ligeti, informelle et fugace car liée elle aussi au monde du rêve.
Avec le soutien de la Sacem
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