Comment associer musique populaire et composition savante ? comment rassembler ces deux émotions si différentes ? Une rencontre magnifique explore le fado et la poésie de Camoes.
Stefano Gervasoni (né en 1962), partant de sa passion ancienne pour le fado, cette « voix » face au destin, tellement nostalgique et intime, apporte une contribution originale à l’exercice en faisant se succéder deux cycles de douze chants qui se rejoignent au point médian.
Le premier cycle adapte le répertoire de la reine du fado, Amália Rodrigues (1920-99) ; le deuxième, pour baryton, est composé sur des sonnets de Luis Vaz de Camoes, le grand poète portugais du XVIe siècle ; au centre, le seul fado qu’Amália Rodrigues écrivit sur un poème de Camoes, Com que voz (avec quelle voix) superpose les deux chants et les deux écritures.
Gervasoni explore avec raffinement les oppositions, associations, renvois ou hybridations qui émergent de cette juxtaposition. Deux trios de référence – guitare portugaise, guitare et contrebasse d’un côté, alto, accordéon et cymbalum de l’autre – prédominent dans chacun des deux cycles, l’ensemble des musiciens étant convié dans les transitions instrumentales qui relient un chant à l’autre.
Cristina Branco est la voix de cette œuvre originale, une voix claire et unique, celle qu’on associe depuis plus de dix ans au renouvellement du fado post-Amália. Elle sert ici son art aussi bien que celui de Stefano Gervasoni, dans une rare alchimie des sentiments.