The Lips Cycle

programme

Voix | Isabel Soccoja
Flûte | Nicolas Vallette
Harpe | Élodie Reibaud
Alto | Laurent Camatte
Diffusion électroacoustique | Daniel D'Adamo
Informatique musicale | José Miguel Fernández

Daniel D'Adamo
The Lips Cycle (2010-18) / 1h05

création mondiale du cycle complet

Lips, your lips (2010) 10'
pour mezzo-soprano et électronique, texte du compositeur

Transition électronique 2’

Keep you furies (2012) 10'
pour mezzo-soprano, flûte alto et électronique, texte du compositeur

Air lié (2013) 12'
pour flûte et électronique

Transition électronique 2’

Traum Entelechiæ (2015) 12'
pour mezzo-soprano, flûte en sol, alto, harpe et électronique, textes de Gottfried Wilhelm Leibniz

Transition électronique 2’

Fall, love letters fragments (2017) 13'
pour mezzo-soprano, harpe et électronique, extraits de correspondance de Virginia Woolf à Vita Sackville-West


Fin de la manifestation à 19h40

Dans l’imaginaire collectif, les lèvres sont le siège de la sensualité. Ce n’est pas à l’organe tactile que Daniel D’Adamo consacre The Lips Cycle, mais plutôt à ce double appendice capable non seulement de modeler le son émis par les cordes vocales, mais aussi de produire lui-même des bruissements porteurs d’une musique subliminale. Par son mouvement, il rend en outre visible, voire lisible, cette émission sonore.

Bien que composées de 2010 à 2017, les cinq pièces qui forment The Lips Cycle semblent jaillir d’un même élan, l’unité du propos poétique, des moyens musicaux mis en œuvre et plus encore de l’univers sonore engendré assurant de façon coalescente la consistance organique du cycle. L’effectif – mezzo-soprano, flûte, alto et harpe – est utilisé selon des combinaisons chaque fois différentes, à la façon du Pierrot Lunaire de Schoenberg. Directement issue de sa matière acoustique, la partie électronique lui est consubstantielle car elle y est insérée selon une modalité qui peut être décrite comme un processus de prélèvement, mise en culture et greffe. De brèves transitions électroacoustiques composées pour la création du cycle complet à Musica créent, à la manière d’un réseau vivant de neurones, de nouvelles connexions entre les pièces.
La diffusion quadriphonique ouvre un espace acoustique large dans lequel sont tracées des trajectoires esquissant un théâtre sonore. Le début de Lips, your lips met en scène des sons buccaux qui opèrent un zoom sur la dimension physiologique de la voix, alors même que celle-ci est observée en-deçà du voisement, donc en-deçà de la parole articulée et du chant. Signé par le compositeur, le texte de Keep your Furies met également l’accent sur l’énonciation, si bien que le théâtre qui s’y joue donne lui-même des indices pour sa propre analyse. Comme dans Air lié, où la flûte occupe le devant de la scène, Traum Entelechiae développe une électronique assez spectaculaire qui favorise la démultiplication, la diffraction et la propagation des sources sonores dans un espace flottant, métaphore d’un état de conscience onirique. Le principal moteur de cette pièce est la dialectique, telle que thématisée par des extraits de la Monadologie de Leibniz, entre cet onirisme statique et l’entéléchie, c’est-à-dire l’énergie agissante. Plutôt qu’une opposition frontale des deux principes, le compositeur imagine leur mise en contact par un phénomène de repliement, concept qu’il emprunte à Leibniz via Deleuze.
Le chuchotement suggère au début de Fall - Love letters fragments la clandestinité autant que la sensualité de la relation amoureuse entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Portée par un glissement de l’électronique, cette dernière pièce conclut le cycle par une plongée abyssale.


Avec le soutien de la Sacem