Scène finale « Les Adieux de Lucifer » de Samstag aus Licht (1981-83)
Chœur d'hommes, sept trombones et orgue
Texte, Lodi delle virtù de Saint François d'Assise
Fin de la manifestation à 21h45
Jamais on n’aura vu plus vaste projet opératique que Licht, cycle de « théâtre liturgique » conçu par Karlheinz Stockhausen : sept opéras, un pour chaque jour de la semaine, nécessitant chacun des lieux et des dispositifs scéniques spécifiques. En prélevant à Samstag (Samedi) sa quatrième et dernière scène, Le Balcon ne fait pourtant que renouer avec les conditions de la création de Luzifers Abschied, spécifiquement composé pour les 800 ans de la naissance de saint François d’Assise.
Œuvre totalisante et envisagée dans ses moindres détails, y compris scéniques et chorégraphiques, par Stockhausen, Licht agglomère une part importante de ses œuvres. Tellement monumental qu’il n’a jamais été réalisé in extenso, ce projet existe dans les faits sous forme d’une constellation de pièces dont chacune a sa vie propre. Quasi-opéra dans l’opéra, Luzifers Abschied (1982) introduit dans Licht, avec les Lodi delle virtù (Hymnes aux vertus) du religieux italien, l’un des rares textes qui ne soient pas de la main du compositeur.
Les treize versets du texte déterminent autant de périodes musicales mais, autre phénomène gigogne, les versets VII à XIII sont eux-mêmes subdivisés en treize vers qui énoncent treize vertus. Il suffit de mentionner les sept ténors de blanc vêtus qui, près de l’autel, entonnent à tour de rôle les versets, les deux groupes de treize basses en robe de bure marron qui entourent le public, ou encore les treize accords scandés par sept trombonistes – le trombone, instrument satanique ! – perchés dans la galerie, près du buffet d’orgue, pour subodorer la forte teneur de la pièce en symbolique numérique.
Selon les préconisations de Stockhausen, Luzifers Abschied doit être donné dans une église à proximité de la salle où commence l’opéra. Le choix d’un vaste édifice rend plus spectaculaires encore les déambulations, qui frisent par moments le sprint, de nos franciscains chanteurs chaussés de sabots de bois, dont l’idée serait venue au compositeur alors qu’il assistait à une cérémonie dans un ancien temple japonais. L’inspiration extrême-orientale semble d’ailleurs corroborée par la vocalité des basses, qui évoque le chant shōmyō encore pratiqué aujourd’hui au Japon dans la liturgie bouddhique, même si les cycles vocaliques qu’on entend ici étaient déjà au cœur de Stimmung (1968). Point de bel canto donc, mais plutôt une sobriété psalmodique émaillée par quelques accès très sonores de ferveur incantatoire. Cette scène liturgico-théâtrale en forme de rituel d’exorcisme qui clôt Samstag nous mène finalement sur le parvis de l’église. Maintenu en cage pendant tout le spectacle, un choucas noir sera libéré par le moine François, et s’ensuivra, sur un concert de cloches, un étrange rituel d’offrande, tout aussi libératoire. Ainsi prend congé Lucifer, le « porteur de lumière ».
La Paroisse Saint-Paul accueille Musica