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Un drame musical instantané

Représentations
  • mer 5 oct 1983
    20h30

Un drame musical instantané a toujours entretenu des rapports étroits avec le cinéma. D’une part en créant en direct des musiques d’accompagnement originales pour des films muets, renouant ainsi avec la tradition tout en en proposant une relecture contemporaine : À propos de Nice (Jean Vigo), La Glace à trois faces et La Chute de la Maison Usher (Jean Epstein), Le Cuirassé Potemkine (Sergueï Eisenstein), Le Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene), Nosferatu (F.W. Murnau), etc. D’autre part, dans l’écriture elle-même, de par sa nature fictionnelle. Utilisation de l’ellipse, du fondu, de l’espace hors-champ et du gros plan. Mixage des voix, montage cut joué en direct, on passe sans transition de l’ombre à la lumière, la coda devient le début d’une autre façon de voir, effets de perspective… La structure par plans, dans l’espace et dans le temps, rend compte d’un monde (plus ou moins) imaginaire.

Le film L’Homme à la caméra retrace la journée d’une ville de l’aube à minuit, comme une extraordinaire et critique symphonie d’images. En filmant « la vie à l’improviste », Vertov compose une fiction, devenue ici très troublante parce qu'elle nous fait découvrir un paradoxe : à un moment donné dans un lieu précis, une ville d’URSS en 1929, s’oppose, mieux, se superpose le regard d’une époque, la nôtre ; les personnages sont de leur temps, mais les gestes sont d’aujourd’hui et de demain. La création d’un drame musical instantané explore en direct la relation qu’entretient le film avec notre actualité.

C’est un peu le négatif du film qui est présenté ensuite, une pièce de théâtre sombre en forme de complément de programme, ou le monde à l'envers. Dans Chambre noire, les monstres du jour sortent la nuit déguisés en fantômes, invisibles mais sonores ; ils entrent dans un bain de sueur qui révèle l’impossible, l’indigérable...


Un drame musical instantané, c’est la réunion de trois compositeurs-interprètes, Jean-Jacques Birgé, Bernard Vitet, Francis Gorgé, qui depuis 1976 ont décidé de pratiquer ensemble la composition collective. Critique interne, éclairage des mêmes idées sous des angles différents, défense argumentée de chaque proposition musicale. Si l’art est une des formes les plus poussées de l’esprit de contradiction, on imagine les tractations difficiles et les dialogues poétiques que cette méthode engendre.

Pour aboutir à un produit fini qui en respectant chacun est un reflet du monde en mouvement. II n’y a plus UN sujet, non plus UN discours commun, mais TROIS sujets qui se rencontrent, chacun avec son intégrité, formant ainsi un réseau de sens. Dépassant le stade d’exhibition de l’individu, l’écriture collective tisse une toile, chaîne et trame génitrices de fiction.

Refuser la classification des styles qui tend à figer et uniformiser au profit d’une seule pratique, celle, bien entendue, des marchands. Régénérer la musique dite savante par l’apport des musiques actuelles dites populaires, une démarche naturelle négligée depuis un demi-siècle par la plupart des compositeurs contemporains.

La formation d'un orchestre de 15 musiciennes et musiciens venu·e·s d’horizon divers, en 1981, a poussé le drame encore plus radicalement vers l’éclectisme culturel — un brassage de sources qui, au lieu d’égaliser les cultures, les met en scène.

Programme

Jean-Jacques Birgé, Francis Gorgé, Bernard Vitet
L’Homme à la caméra (1983)

partition originale pour le film éponyme de Dziga Vertov (1929)

Jean-Jacques Birgé, Francis Gorgé, Bernard Vitet
Chambre noire (1983)

théâtre musical

Distribution

Un drame musical instantané

direction, synthèse numérique en temps réel, piano, bandes, voix, trompette à anche, flûtes Jean-Jacques Birgé
direction, guitares, frein Francis Gorgé
direction, trompettes, voix, bombardes, violon Bernard Vitet
flûtes, basson, saxophone ténor, cornemuse Youen Le Berre
flûtes, clarinette basse, voix, effets, bâton de pluie Hélène Sage
hautbois, cor anglais, saxophone alto, voix, cristal Baschet Magali Vialle-Fond
cor d’harmonie, acteur Patrice Petitdidier
trombone, flûte Yves Robert
percussions Jacques Marugg, Gérard Siracusa
violon, mandoline Bruno Barré
alto Nathalie Baudoin
violoncelle Marie-Noëlle Sabatelli
violoncelle, voix Jean Ferry
contrebasse, clavier, voix Geneviève Cabannes

Ce programme est enregistré et diffusé par Radio France (Programme Musical France Culture).

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