Quodlibet, créé au Coliseu de Lisbonne en 1991, appartient à cette catégorie d’œuvres magistrales qui tracent une généalogie propre, un développement éloquent, grâce à sa dimension, à son ambition conviant à la fois exigence intellectuelle et expérience sensorielle. Littéralement « ce que l’on veut », le quodlibet désigne usuellement une forme musicale où sont intégrés avec liberté des matériaux hétéroclites.
Un des principaux objectifs d’Emmanuel Nunes dans son Quodlibet est de traiter de la distance : « l’œuvre met en jeu d’innombrables degrés de proximité et d’éloignement des matériaux d’origine », dit-il. L’acoustique du lieu originel (ce fameux Coliseu qu’il fréquenta dans sa jeunesse, et dont il « ausculta » les caractéristiques préalablement à l’écriture) opère au sein même de la composition comme une mémoire active, un paramètre qui conditionne l’écoute, décisif dans le poids du temps dévolu aux sections.
Quodlibet est une œuvre spatialisée, de l’espace, a-t-on dit ; le dispositif encerclant le public est minutieusement étudié en relation avec la fonction des quelques quatre-vingts musiciens (soixante-dix neuf pour être précis) répartis en quatre groupes : immobiles (l’orchestre), immobiles (sept soli), semi-mobiles (six percussionnistes), mobiles (un ensemble de vingt-et-un instrumentistes). Il s’en dégage un ballet à la précision métronomique (le chronomètre est d’ailleurs un accessoire indispensable à l’exécution de l’œuvre), une théâtralisation du mouvement et du son.
Nécessitant deux chefs, ce grand’œuvre exige de ses interprètes une rigueur particulière pour que le saisissement de l’expérience sonore advienne. Un défi relevé par les musiciens du Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg avec Musica.
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