Minimal native
Il n’y avait qu’un pas entre la musique répétitive de Steve Reich ou Philip Glass, le DIY des makerspaces et la scène chiptune new-yorkaise. En le franchissant sans complexe, Tristan Perich pose aujourd’hui un nouveau jalon de l’esthétique minimaliste.
Tu présentes cette année à Musica une grande fresque pour orgue et électronique. On semble vivre un come-back de l’orgue. C’est un instrument « tendance » aujourd’hui. Pourquoi, selon toi ? Et d’où te vient cet intérêt ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de jeunes organistes intéressés par les musiques expérimentales, sans doute en raison des qualités sonores de l’instrument, entre profondeur et puissance, mais aussi pour le côté immersif. Chaque orgue est unique, localisé en un endroit précis, la plupart du temps une église, et ses sonorités se déploient dans un espace acoustique aux caractéristiques très particulières. Pour toutes ces raisons, on peut considérer l’orgue comme un méta-instrument constitué d’une lutherie, d’un son, mais aussi d’un espace et d’un sens — et je crois que c’est ce qui le rend si attractif aujourd’hui.
Pour ma part, j’ai une formation de pianiste à la base, mais j’ai eu souvent l’occasion de pratiquer l’orgue plus jeune. J’en jouais à l’église quand j’étais à l’école élémentaire, puis j’ai pris des cours et j’ai commencé à tester des compositions tout d’abord imaginées pour le piano. Au lycée, j’avais accès à un orgue dans la chapelle du campus. On m’avait donné les clés, alors je m’y glissais la nuit pour jouer et me plonger dans le son pendant des heures.
En 2005, quand j’ai composé ma première pièce pour orgue et orchestre à cordes, I am not without my eyes open, je commençais tout juste à m’intéresser à l’électronique 1 bit que j’utilise dans tous mes projets aujourd’hui. L’écriture que j’avais recherchée avec l’orgue a fini par germer plus tard dans mon travail électronique. Autrement dit, pour moi, l’exploration de l’orgue a été simultanée à la découverte de l’électronique.
Un autre exemple de come-back serait le clavecin, auquel j’ai associé l’électronique dans ma pièce Dual Synthesis en 2009. D’une certaine manière, il est similaire à l’orgue, puisque la production du son est caractérisée par l’attaque, tandis que les nuances sont difficilement contrôlables. Comme c’est le cas pour l’orgue, l’intérêt qu’on a porté au clavecin récemment dans les musiques électroniques, expérimentales ou populaires peut être lié à cet aspect « égal » du son. Ces instruments semblent aussi plébiscités par une génération, celle née dans les années 1980, qui a grandi avec des Nintendo et autres dispositifs numériques naissants. Outre une certaine familiarité avec l’électronique, sans doute y a-t-il aussi quelque chose de l’ordre de la nostalgie derrière ce phénomène. Il est donc assez logique que ces instruments soient revenus sur le devant de la scène aujourd’hui.
Même si sa composition n’est pas finalisée au moment où nous nous entretenons, peux-tu décrire ton projet pour cette nouvelle pièce ?
J’avais envie de revenir en arrière sur ma pratique et de confronter les approches que j’ai pu développer entre temps. Jusqu’à présent, ma musique était assez massive. J’entends par là que je recherchais l’immensité, la profondeur, la superposition des couches sonores — un esprit quasi spatial ou galactique… En 2018, avec Drift Multiply pour 50 violons et électronique, j’avais commencé à introduire des matériaux plus délicats, plus fragiles. Dans cette nouvelle pièce, je veux m’appuyer sur le potentiel de l’orgue et son gigantesque ambitus expressif afin de mêler les deux registres : celui de la profondeur et celui (disons) du nuage clairsemé. Je compte également poursuivre ma réflexion sur la relation entre l’orgue et l’électronique en associant l’instrument à une centaine haut-parleurs de différentes dimensions.
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samedi 28 septembre 2024 15h00
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Ta musique a pour particularité d’employer une électronique lo-fi fonctionnant uniquement en logique binaire. On parle d’« électronique 1 bit ». Quand et pourquoi as-tu commencé à travailler de cette manière ?
Tout a débuté lorsque je suis sorti de l’université en 2004. J’étais déjà aguerri à la musique électronique de différentes manières. Et avant cela, j’étais familier de l’art cinétique, des œuvres plastiques ou sonores utilisant des machines, des moteurs, etc. Je faisais beaucoup d’expérimentations avec des composants électroniques et des haut-parleurs. J’aimais les sonorités qui en découlaient, mais aussi le cadre conceptuel : là où le code, c’est-à-dire une information binaire, devient un signal acoustique, sans intermédiaire, sans conversion numérique/analogique, sans couche supplémentaire. L’idée à la base de mon approche est d’établir un lien direct entre la logique du code et le support qui exécute les informations codées. Par exemple, une force électromagnétique — celle du haut-parleur, dans sa relation entre l’aimant et la membrane qui le mettent en vibration — peut être équivalente à celle qui permet le calcul informatique au sein du dispositif électronique, comme c’est le cas dans les circuits électroniques que je conçois, où les 3 volts utilisés pour traiter des informations correspondent aux mêmes 3 volts qui alimentent les haut-parleurs.
Il y a un côté geek dans cette pratique…
Oui, j’ai beaucoup fréquenté le milieu de l’électronique musicale à New York, entre makerspaces et festivals expérimentaux, au moment où se développait la scène chiptune : chip pour composant électronique, tune pour morceau de musique. Et c’est dans ce contexte DIY que j’ai tout d’abord développé mes recherches sur l’électronique 1 bit. Jusque-là, ma vie était partagée entre l’étude de la composition, au sens formel, et cette scène électronique, plus informelle. Je pratiquais les deux de manière indistincte, avant que la composition ne prenne le dessus.
Je dois avouer que ça m’a fait quelque chose le jour où ma pièce pour clavecin Dual Synthesis (2009) a été jouée dans ce contexte, face aux gamers. Je me sentais vraiment chez moi dans ce cadre, qui me semblait extraordinairement — et même explosivement — créatif et expérimental. Les sonorités brutes de l’électronique 1 bit y étaient centrales, aussi bien dans les jeux vidéo, les expérimentations techniques et sur le dance-floor. Tout ça me parlait beaucoup ! Sans compter qu’étaient constamment mixées et mises sur un même pied d’égalité des approches, disons, savantes et populaires.
Où cela se passait-il ?
Il y a un lieu à New York nommé The Tank qui au milieu des années 2000 animait l’expérimentation musicale à travers deux festivals, Blip pour le chiptune et Bent pour les pratiques de circuit-bending. C’était l’épicentre d’une émulation musicale à ce moment à New York. Le lieu était très ouvert. On pouvait y aller, faire une proposition, puis on nous offrait un créneau, une salle, la possibilité de faire un concert. Le lieu n’était pas très grand et les projets parfois confidentiels, mais on avait le sentiment d’être soutenu de manière inconditionnelle. On pouvait tenter des choses, expérimenter, venir avec une simple idée, puis la mettre en œuvre. Aujourd’hui, ça n’existe plus vraiment sous cette forme, et c’est un grand manque dans une ville où le marché immobilier fait la loi. Il n’y a quasiment plus de lieux de la sorte et je le regrette. Pouvoir expérimenter ensemble dans un lieu ouvert et dans un contexte local me paraît fondamental. Car c’est en partageant nos expériences dans un même air qu’on devient plus créatif. Je me rends compte aujourd’hui, à rebours, alors que mes projets sont plus importants et soutenus par des institutions, combien ce lieu a été important pour moi quand j’étais étudiant.
Que se passe-t-il à New York aujourd’hui ?
Malheureusement, on pourrait faire une très longue liste des lieux d’expérimentation artistique qui ont disparu récemment sous la pression du marché immobilier. Tandis que les lieux qui ont survécu ont pour la plupart beaucoup changé. Ils restent intéressants sous certains aspects, mais leur fonctionnement est beaucoup plus rigide, centré sur la fréquentation du public, les enjeux économiques, etc.
L’ancrage de la création musicale à New York, historiquement incarné par les galeries d’art, est a fortiori différent du contexte européen où les choses ont été fortement institutionnalisées. Mais le besoin de lieux d’expérimentation est lui aussi criant…
En Europe, j’ai le sentiment que les projets sont mieux structurés. Quand j’arrive dans un lieu pour travailler, il est souvent neutre, conçu pragmatiquement — les murs sont « blancs ». Bien sûr, l’histoire de l’art nous apprend que ces murs blancs ont pu être perçus comme des espaces épurés et cliniques niant la créativité. Je ne dirai pas que je me sens mal dans ces espaces. Au contraire, j’aime y travailler. Mais j’aime aussi les lieux ouverts, vibrants, multicolores et inspirants. L’idéal serait peut-être d’avoir les deux approches en même temps dans un même lieu, de manière à le rendre tout aussi efficace que vivant.
Pour rester à New York, quelle est ta relation avec les compositeurs, Steve Reich et Philip Glass en tête, pour qui la ville a été un véritable incubateur, comme c’est ton cas ? Steve Reich a d’ailleurs été très étonné par ta pièce One Bit Symphony. Il a dit quelque part : « J’ai commencé à écouter, et je me suis : oh purée ! D’une certaine manière, ça m’a rappelé Petrouchka [de Stravinsky]. Qui aurait pensé que des puces électroniques puissent délivrer une musique aussi belle ? »
J’ai un lien privilégié avec cette génération, notamment parce que ma grand-mère, Virginia Dwan, a été très proche de Steve Reich, Terry Riley ou La Monte Young, et plus encore de Philip Glass qu’elle a soutenu à ses débuts. Elle avait une galerie d’art, la Dwan Gallery, dont l’activité était centrée sur le courant minimaliste sous toutes ses formes et sur des artistes européens comme Yves Klein ou Jean Tinguely. D’autre part, mon père est peintre. Il a vécu à Paris dans les années 1960 et était proche du courant lettriste, puis une fois arrivé aux États-Unis, il a collaboré avec Andy Warhol. Dans ce contexte culturel et familial, j’ai été biberonné au minimalisme et au pop art. J’ai littéralement grandi avec Einstein on the Beach dans les oreilles. Quant à Steve Reich, je n’ai découvert sa musique qu’à l’adolescence, mais il est très vite devenu mon influence majeure.
Comment définirais-tu le courant minimaliste ?
Au fond, pour moi, il s’agit tout bonnement d’une définition de la musique. C’est un courant dans lequel j’ai baigné, que je ressens intimement, dont j’ai intégré presque naturellement les principes d’écriture, la répétition, le déphasage, les changements continuels, etc. J’ai toujours considéré que les minimalistes, à partir des concepts rythmiques et mélodiques élémentaires qu’ils ont employés, proposaient une sorte de poésie physique ou mathématique. Là où on leur reproche parfois d’avoir composé de simples exercices, je vois pour ma part une grande beauté, et même une forme d’exultation musicale — quelque chose de bien différent de certains courants européens, comme le sérialisme, qui ont quelque peu rejeté la beauté. Une pièce comme Piano Phase de Steve Reich, par exemple, qui pourrait être perçue comme un pur exercice formel, met en lumière la virtuosité des instrumentistes et rapprochent ces derniers des auditeurs. La musique est si transparente que le public se trouve très vite directement en prise sensible avec elle.
Ne crois-tu pas qu’un beau jour, lorsque nous regarderons les différentes traditions avant-gardistes dans le rétroviseur de l’histoire, elles nous sembleront moins divisées qu’on le conçoit encore aujourd’hui ? Après tout, la musique répétitive et le sérialisme sont toutes deux des musiques de processus.
Tu as sans doute raison. D’ailleurs, ça me fait penser à une exposition consacrée au sérialisme que j’ai vue il y a longtemps dans une galerie d’art proche de mon lycée. J’avais été surpris, justement, d’y trouver une page du manuscrit de Piano Phase.
En ce qui me concerne, je n’ai pas de problème à affirmer ma filiation avec ces compositeurs, de même que je m’accorde au terme « minimalisme ». Une chose qui me frustre, cependant, c’est que le minimalisme à mon sens est une approche de la composition par processus, comme tu viens de le dire, mais qu’au fil du temps et des générations d’artistes, il me semble qu’on a perdu de vue cet aspect conceptuel très puissant qui était à la base du courant. Souvent, on n’en conserve que l’aspect superficiel, la beauté des agencements harmoniques ou mélodiques, comme s’il s’agissait de musique classique, mais en perdant la signification première. De mon point de vue, les fondations sont importantes et nécessitent d’être embrassées pleinement. On ne peut pas uniquement viser le plaisir esthétique. Le sens doit être assumé.
Revenons à l’électronique. Peux-tu m’expliquer comment fonctionne l’électronique 1 bit ?
Tout d’abord, un son 1 bit est le signal sonore numérique le plus rudimentaire. L’onde sonore est binaire, constituée de 0 et de 1. La définition acoustique est bien moindre comparée au son 16 bits utilisé dans la plupart des dispositifs qui nous entourent aujourd’hui, du CD à l’ordinateur. Le 16 bits permet un contrôle beaucoup plus fin et un rendu fidèle du son enregistré — ce que ne permet pas le 1 bit. Plus les bits sont nombreux, plus le signal sonore sera précis.
Mon expérience initiale a consisté à connecter un haut-parleur à un circuit électronique et à observer la simple traduction d’un signal 1 bit dans le mouvement de la membrane du haut-parleur, qui lui-même crée une fréquence et donc un son. Autrement dit, si je fais alterner une onde entre 1 et 0 à raison de 440 fois par seconde, j’obtiens un son de 440 Hz, soit la note la. Je suis donc reparti de cette base élémentaire pour développer un langage musical où la technique et les principes de programmation sont soumis aux mêmes règles. En quelque sorte, j’ai voulu faire de l’électronique 1 bit un instrument en soi, avec ses caractéristiques, ses contraintes et son potentiel.
Quelles sont ces limites ?
Dans la plupart de mes pièces, je cherche à conserver une base très épurée. Je traite chaque fréquence une à une, avant qu’elles ne soient générées par un composant électronique connecté à un haut-parleur. En les multipliant et en les mixant, on peut obtenir une polyphonie, comme un instrument au sein d’un orchestre, mais l’espace de l’enveloppe sonore du 1 bit demeure restreinte, ce qui peut se traduire par une qualité sonore faible, un son presque nasal comme en diffusent les vieilles consoles de jeux vidéo.
J’ai exploré toutes ces possibilités dans mon concept-album One Bit Symphony en 2010 sous la forme d’une polyphonie à neuf voix. La pièce se présente comme un boîtier de CD en plastique dans lequel j’ai placé un petit système électronique. On branche son casque sur le boîtier et on écoute directement la matière sonore produite par le circuit. Dans ce projet, j’ai notamment joué sur la dégradation du signal en la transformant en élément compositionnel. Le potentiel de l’électronique 1 bit est donc limité — de même que le potentiel de tout instrument de musique est limité —, mais on peut jouer sur ces limites, les transcender et en faire le cadre d’une composition.
Je dois ajouter une précision technique. Ce que je décris ici est une idée théorique. Un signal 1 bit dont l’onde serait uniquement ouverte ou fermée, 1 ou 0, ça n’existe pas en réalité. C’est une idée mathématique, car observé sur le plan physique, le phénomène est toujours contaminé par des effets de transition. De même, les haut-parleurs, en fonction de leurs caractéristiques, ont des limites et posent des contraintes sur le signal sonore. Autrement dit, le haut-parleur agit lui-même sur le signal 1 bit. C’est pourquoi ce que je considère comme mon « instrument » est l’onde sonore associée au haut-parleur.
À quoi ressemble ton studio ?
On y trouve de nombreux haut-parleurs et des circuits électroniques, ainsi que des outils de conversion numérique/analogique. Cela me permet de composer pour un ensemble de haut-parleurs en multipliant les canaux. C’est par exemple de cette manière que je travaille sur la composition de la nouvelle pièce pour orgue qui comportera 100 canaux électroniques différents, comme Drift Multiply comporte 50 canaux électroniques et 50 violons.
Utilises-tu des sons enregistrés, à la manière de la musique concrète, ou uniquement des sons de synthèse que tu élabores toi-même ?
Uniquement des sons de synthèse. C’est un point important, car je considère l’électronique comme une performance musicale en soi. Quand je réalise une partie électronique, je n’utilise aucun son préexistant. Je programme les sons comme des séquences de notes, à la manière d’une partition, puis je conçois le logiciel qui synthétisera les sons de ces séquences. Ainsi, quand on déclenche une partie électronique distribuée sur 100 canaux, on démarre une centaine de petits ordinateurs qui lisent des séquences de notes et de rythmes et les synthétisent sous forme sonore, le tout en direct. C’est pourquoi j’aime considérer la computation comme un processus ou un événement vivant, un phénomène physique animé dans un espace et un temps réels. À l’inverse d’un enregistrement diffusé sur un haut-parleur, un composant électronique peut délivrer un son à l’infini, et il est même plus difficile de programmer un événement électronique circonscrit dans le temps. C’est symboliquement que One Bit Symphony se termine sur un accord unique, un cluster de notes, qui jamais ne s’arrête, à moins que sa performance ne soit interrompue, en la stoppant volontairement, ou parce que la pile se viderait, ou encore parce que l’univers imploserait…
Tu réalises ton électronique toi-même et chacune de tes pièces nécessite un nouveau dispositif dédié. Tu as donc une formation d’électronicien ?
En effet, je fabrique moi-même tous les outils dont j’ai besoin. Au début, mes idées étaient assez simples et pouvaient être réalisées à partir de circuits électroniques que j’étais capable de concevoir seul. Mais les choses sont devenues de plus en plus complexes, et j’ai donc dû me former et assimiler des compétences techniques nouvelles. Par exemple, quand j’ai composé Surface Image pour piano et 40 haut-parleurs, le circuit est devenu bien plus complexe que mes premiers « bricolages ». J’ai appris que les micro-puces pouvaient générer des interférences entre elles lorsqu’elles étaient nombreuses. Des choses pouvaient fonctionner avec quelques composants et ne plus fonctionner lorsqu’on les multipliait. C’est à ce moment-là que je me suis mis à étudier très sérieusement l’ingénierie électronique — et par la même occasion, je me suis rendu compte que de telles interférences pouvaient être contrôlées et utilisées musicalement.
La définition du minimalisme propre à ta pratique consiste à considérer les relations entre tous les éléments techniques d’un système dans leurs moindres détails. Quelle place conceptuelle occupe les composants électroniques eux-mêmes dans ton écriture musicale ? Utilises-tu des composants particuliers ?
J’utilise de nombreux composants différents, mais je prendrais l’exemple de la micropuce AT-TINY-85 qui est au cœur de ma pratique. C’est un véritable petit ordinateur qui peut tourner jusqu’à 20MHz et emmagasiner 8K de données. La micropuce pose d’emblée un cadre conceptuel : elle ne comprend que 8K de données et ces 8K sont partagés entre la musique et le fonctionnement du logiciel lui-même. Autrement dit, au sein d’une micropuce, les informations et les instructions sont une seule et même entité. Il en découle une contrainte : si les instructions sont trop complexes, il n’y a plus assez de place pour les informations, et vice versa. À mon sens, on retrouve là un des fondements des musiques minimalistes : l’équilibre entre les gestes musicaux et les processus qui les animent en termes de simplicité/complexité.
En électronique, on cherche toujours à concevoir le système capable de réaliser l’action visée, ni plus ni moins. De même, le fait de concevoir moi-même mes systèmes électroniques m’importe beaucoup, parce que je tiens à réaliser l’outil ou l’instrument qui représentera le plus précisément mon projet. C’est aussi une des raisons pour lesquelles mes projets se développent assez lentement et de manière progressive.
— Entretien réalisé par Stéphane Roth